Aneta Sidor fait tomber le masque*…

Aneta Sidor, À la source, Entreprise éthique


Interview n°5 « Quelle éthique sous le masque de l’entrepreneur ? » 


ANETA SIDOR FAIT TOMBER LE MASQUE…

Pour son épicerie « zéro déchet », Aneta a débuté de zéro ! Sans prêt financier, sans expérience dans ce secteur. Mais de zéro, elle a pu tout apprendre et a su faire évoluer son projet par la prise de conscience, suite à de nombreuses rencontres. Elle a trouvé « sa vocation », celle qui donne du sens. Et c’est cette philosophie qu’elle suit…

Voici l’interview d’Aneta Sidor, dirigeante de « À LA SOURCE« , épicerie locavore & zéro déchet :


1. Nos actions éthiques au cœur du business model

Nos actions ont été questionnées bien en amont de l’entreprise. C’est environ 5 ans de préparation, de rencontres professionnelles, de tests… Elles font partie de la conception même de mon épicerie « À la source » et de son business model.

Une vision forte du zéro déchet

  • Je choisi chaque produit et chaque producteur avec l’exigence d’une condition indiscutable : un achat sans déchet et qui n’en génère pas. C’est le point essentiel. Le zéro déchet à la source ! Je ne suis pas de celle qui achète une produit emballé pour le revendre sans emballage, prétextant le « Vrac ». Dans le pire des cas, l’emballage doit pouvoir être réutilisable, revalorisable localement et solidairement ou à upcycler. Évidement le zéro parfait ou absolu n’est pas possible. Aujourd’hui, nous visons une réduction de 95% mais en réalité, nous arrivons à plus de 99% de déchets réduits.
  • Pour en témoigner pas de poubelle dans notre épicerie. Ce qui peut encore être consommé est donné. Pour le reste, nous entretenons notre propre composteur lombric et profitons du composteur de quartier. Nos déchets organiques équivalent à une famille de 4 à 5 personnes par semaine.

Des actions écologiques à tous les postes

  • À l’entrée du magasin nous mettons à disposition « une zone de partage de contenants » entre clients. Ils peuvent déposer et récupérer des sacs en papier ou en tissus, des bocaux et des boîtes à œufs pour leurs courses.
  • Nous avons aménagé le magasin sur le principe de la récup’. Beaucoup de choses ont été faites par nos soins et par des artisans locaux. Certains matériaux ont été récupérés parmi « les déchets » de travaux du magasin comme le mur végétal à l’entrée.
  • D’autres matériaux encore ont été choisis chez Minéka. C’est une association qui collecte auprès de professionnels du BTP les matériaux destinés à être jetés mais encore viables. Ils sont alors redistribués à prix solidaires et participent ainsi à la réduction des déchets et au réemploi.
  • Pour le comptoir de travail, nous avons fait appel à une scierie de Vénissieux et nous avons designé, découpé et monté nous même le meuble, en famille. Tous les bois utilisés à l’épicerie sont certifiés FSC. Les palettes, elles, ont été dénichées au marché.
  • L’entreprise Applymage, à Chassieu, spécialiste des distributeurs écologiques, a conçu et réalisé nos silos à grain artisanaux. Certes, ces distributeurs sont 4 à 5 fois plus chers que ceux présentés habituellement en magasins bio. Mais le prix va avec le savoir-faire.
  • Comme pour certains de nos produits, le prix provoque des discussions intéressantes avec nos clients. C’est une question de pédagogie. Une réflexion sur son impact sociétal. Que rémunère t-on quand on achète un produit ? On a tous l’espoir de préserver le savoir-faire français ou que nos métiers reviennent. Mais il n’y a pas de solution miracle. Pas de produit parfait. Personnellement, au taux horaire, je préfère acheter ma lessive bio que de la faire moi-même.
  • En parlant ménage, nous utilisons naturellement nos propres produits bio pour l’entretien du local comme des vitrines.
  • Concernant nos fournitures de bureau, nous utilisons des stylos en papier recyclé, des classeurs 100% carton et papiers recyclés quand ce n’est pas de la réutilisation personnelle.
  • Je mets en place des partenariats de « Upcycling« (valorisation des déchets) avec l’Atelier Eco-récup’, par exemple. Dans son atelier, Héloïse crée des lampes en petites séries à partir des tubes cartonnés de certains modèles des gourdes inox que nous vendons, ou des poufs en bouteilles en plastique. De nôtre côté, nous proposons aussi des formations et des ateliers divers à l’épicerie. Rendez-vous cette année (et dans la paragraphe « Nos prochaines actions ») !
  • Nous avons sélectionné Enercoop comme fournisseur d’énergie, garantissant une électricité 100% verte. De l’énergie renouvelable issue de nos coopératives régionales.
  • Nous venons travailler à pied ou en vélo. Même pour les modes de transports doux, l’entreprise prend en charge 100% du déplacement via une indemnité kilométrique.

2. Ma sensibilité « RH »

Dans mon ancienne vie de professionnelle en Ressources Humaines, les expériences au sein de différents postes m’ont amené à comprendre l’intérêt d’être généraliste, et, de réfléchir « culture d’entreprise ». J’essaie aujourd’hui d’appliquer ces idéaux.

Des avantages « natures »

  • Le salarié profite naturellement d’avantages comme de remises sur les produits du magasin, variable selon l’ancienneté, d’un panier repas et d’une prime de Noël.

Une confiance responsable

  • Grâce au marché prisé de la place, le dimanche est un jour particulièrement intéressant pour le commerce. Et l’ouverture le dimanche permet d’offrir un samedi plus souple aux clients et aux salariés. Le magasin est donc ouvert 7 jours sur 7. J’ai connu, pour ma part 75 week-ends d’affilé sans congés ! J’ai donc opté pour un système plus flexible d’alternance avec les salariés. Chacun travaille le week-end, une semaine sur deux. Pour que ce soit viable, nous prenons en compte les contraintes de chacun ; la garde des enfants pour l’un le samedi, les cours d’allemand pour l’autre le mercredi soir…
  • Aujourd’hui, chaque salarié autogéré 90% du magasin, du contact fournisseur au client. Les responsabiliser crée de la confiance et par conséquent du sens à l’action.
  • Le mardi est l’unique jour de la semaine où toute l’équipe est présente au complet. Nous organisons une réunion de 2h pour discuter chiffres, présentation des fournisseurs, formation…mais aussi pour parler de notre météo du jour. L’objectif est « de mettre en comment nos informations, ressentis, résultats de travail, et aussi » d’éviter la charge mentale, d’avoir trop de choses à penser, d’être trop stressé… et surtout d’être content de travailler ici.

Une diversité complémentaire

  • Le profil des salariés est hétérogène, ingénieurs, élagueurs, « urbaniste »… venant, pour certains, déjà d’un milieu gourmet ou zéro déchet mais ont été souvent déçus de leurs expériences. Ils ont envie de participer à une entreprise dont la démarche est poussée.
  • Ils s’agit pour la plupart d’une reconversion professionnelle. Leurs compétences sont en conséquence variées. Ils apportent des conseils clients en résonance avec leur personnalité. Charlotte est, par exemple, notre experte « no poo » (sans shampoing). Moi je suis plus recette de cuisine traditionnelle aux herbes aromatiques oubliées. Dans un tout autre domaine, Antoine est notre spécialiste végétal et «lombric». Guillaume a davantage de sensibilité au zéro déchet pour enfants. Amandine est spécialisée dans les astuces anti-gaspi. Marion, qui arrive début mai, ancienne fleuriste, est plutôt à l’aise, d’une part avec les tâches administratives et logistiques et d’autre part aime particulièrement le relationnel client.
  • Je fais passer des tests de personnalité aux entretiens pour évaluer leurs points forts et leur permettre de les développer. Le personnes en reconversion déconstruisent ce qu’ils ont appris pour garder l’humain. Ils peuvent ensuite décliner leur nouveau «rôle» avec leur pâte et créer leur(s) vocation(s) qui apparaissent au fil du temps. Tout le monde est fait pour faire quelque chose. Chaque personne apporte une approche et une réponse différente au client. Chacun y trouve son compte. Retrouvez le parcours de nos salariés, leurs intérêts et leurs astuces sur notre blog et notre page Facebook.

Je vise une entreprise libérée. Et le résultat est là.

3. Nos prochaines actions

Des actions banales & radicales !

  • 2020 verra naître une formation d’accompagnement de structure « zéro déchet radical ». C’est à dire à la racine, pas seulement à la vente des produits (démarche que nous appliquons déjà à notre épicerie). En plus d’informer et d’accompagner d’autres structures, j’ai envie de créer un lieu de Upcycling à plus grande échelle et ouvert à tous : citoyens, entreprises, associations… Banaliser, revendre au kilo « des contenants, emballages, objets, matériaux »… avec des fins de séries ou du dépareillé « tout en complétant l’offre actuelle du marché de la seconde main déjà bien fourni. »

« Je milite contre le recyclage industriel et je revendique la culture d’entraide. »

  • Plus de justice écologique et plus de justice économique. D’avantage de soutien et de local. Un circuit court, sans intermédiaire.

Des actions altruistes & libérées

  • Un de mes rêves, serait pour mes salariés, aujourd’hui aux 35h, de leur offrir un jour par semaine à consacrer leur temps à faire ce qu’ils veulent… en lien avec notre philosophie d’entreprise. Aller visiter un centre de tri, proposer son temps à une association écologique…. Cette journée permettrait de développer une curiosité personnelle encore plus grande, des compétences annexes et connexes et surtout construire du positif.
  • En étant plus pragmatique, nous avons installé un coin hamac à la demande des salariés. J’aimerais en faire un vrai coin « cosy » où ils pourraient s’octroyer du temps pour faire autre chose, se décharger. Pourquoi pas une bibliothèque avec un peu de presse spécialisée…

« J’essaie de ne pas être trop utopiste et garde toujours un pied dans la réalité, en me posant régulièrement la question : Pourquoi je fais ça ? »

4. Nos freins

Je vois les choses en grand. J’étudie des idées pour tout ce plastique que nous récupérons encore. Le réduire en billes à refondre pour des créations design… Mais je cherche une solution pour palier au coût des machines de production. J’envisage des créations en série, semi-industrielles. Car je ne veux pas, pour le client, de frein financier ou élitiste à la consommation zéro déchet.

5. Nos bénéfices

Des bénéfices internes

« Prendre soin de la poule aux œufs d’or »

  • C’est à dire, ne pas prendre soin uniquement de l’or mais de la poule également : nos salariés ! On trouve le temps de faire les chose. On le prend et d’abord pour soi, en tant qu’individu. On évite ainsi la charge mentale. On met de l’humeur dans son travail. C’est un cercle vertueux, une considération mutuelle salariés – entreprise.
  • Le résultat : Zéro absentéisme, une implication et une solidarité de l’équipe. Une flexibilité et une fiabilité dans l’urgence. On gagne en valeur de bienveillance, de motivation. Le ressenti contribue à leur mission et vocation. On ne s’attache pas au «comment» on fait les choses mais on répond au «pourquoi». L’évolution pyramidale est bien dépassée, totalement «vintage».

Des bénéfices consommateurs

  • Notre coté «juqu’au boutisme» rassure. Contrairement à des commerçants classiques, nous ne faisons pas que de la vente. Nous sommes souvent le premier contact du « zéro déchet ». Nous sommes leur unique intermédiaire avec le producteur. Notre écoute, notre connaissance du marché et nos conseils de proximité sont précieux.
  • Nous n’avons pas peur de dire ce qui ne va pas, quitte parfois à déconseiller un de nos produits de notre épicerie mal adapté au client demandeur. Nous ne manipulons pas. Nous ne faisons pas de greenwashing. On prend en considération la personne, pas son portefeuille. Elle se sent libre de ses choix. 
  • En gage de confiance, le client constate qu’il n’y a pas de turn-over dans notre équipe. Tout le monde est embauché en CDI. Le consommateur a conscience qu’il contribue, par son acte d’achat, à la construction de tout cet écosystème. Par notre transparence, nos engagements et notre cohérence, nous lui redonnons de l’espoir.

Des bénéfices entreprise

  • Tout converge à l’amélioration du business. Nous avons doublé notre chiffre d’affaire en 1 an.
  • Nous recevons d’ailleurs de nombreux CV porteurs d’espoir. Une envie de casser les codes de la société actuelle. Des profils atypiques, parfois en reconversion, qui souhaitent vivre autrement… dans un esprit collectif et d’entraide, d’amélioration continue.

6. En conclusion « sur les chemins de l’éthique »

Définir l’éthique en entreprise est complexe…

  • Parce que ma propre éthique sera différente d’une autre personne et d’un autre métier.

C’est se poser la question de l’éthique envers tous les acteurs et participants, en aval, en amont, en interne. Faire bien, avec du bon sens, s’adapter, se réinventer en fonction des besoins de tous. Prendre tout le monde en considération.

  • … et parce que l’éthique est un travail de tous les jours.

C’est donc ne jamais se reposer sur ses lauriers. Prendre conscience que tout peut arriver. Ne pas baisser les bras et s’améliorer toujours.

L’éthique n’est pas un but ultime mais elle est dans chaque instant. L’éthique est dans chaque «bonjour, dans chaque «merci».

Merci à @AnetaSidor pour s’être prêté au jeu de l’#InterviewÉthique
En savoir plus sur À la source : www.alasource-lyon.com
Retrouvez l’interview sur LinkedIN

Fiche Entreprise À la source - Aneta Sidor

Propos recueillis par @CélinePasteur


PostINTERVIEWSi vous souhaitez démocratiser l’éthique en entreprise en témoignant de votre vision, que vous soyez en mode « actions dans mon entreprise » ou plutôt « mon entreprise en action », contactez-moi via le formulaire de mon blog.


Quelques mots sur l’auteur de ces « Interview éthiques » :

« C’est à l’âge de 8 ans que j’ai commencé à m’insurger contre mes premières injustices humaines et écologiques. Ah…, la précocité !

Pour cette ouverture au monde, je remercie « Le Journal de Mickey » —ma référence officielle en terme d’actualité à cette époque— de m’avoir offert le badge suprême « Touche pas à mon arbre« , avec lequel j’ai pu fièrement customiser mon pull à col roulé (lui-même provenant de ma grande sœur, provenant de la voisine, provenant de la grand sœur de la voisine…). Bref, l’#EconomieCirculaire était déjà une évidence, comme le style ! Peu de temps après j’ai trouvé un compagnon de badge : « Touche pas à mon pote« …

Je remercie également mes parents, tous deux éducateurs spécialisés, qui m’ont fait grandir dans un univers où la #différence était la norme. (…) »

« Un an après l’âge de raison, c’était déjà l’âge des engagements pour moi !

Engagements toujours présents quelques décennies plus tard et que je souhaite faire résonner plus largement aujourd’hui, à travers cette série d’interviews, mais aussi dans mon travail. Je souhaite donc m’impliquer pleinement dans une entreprise qui transpire l’#Humanité. Mes domaines de compétences pour servir cette entreprise humaniste sont la #CommunicationStratégique, l’#Ethique, l’#ApprocheSystémique et le #Design… »

Retrouvez mon parcours et mes compétences sur mon profil LinkedIn : Céline Pasteur